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De la difficulté du langage …

En équitation, nous utilisons un langage non verbal. Même si le cheval répond à des injonctions verbales, c’est toujours par association avec une demande non verbale antérieure mémorisée. Et il dispose également d'éléments de langage préprogrammés intégrés dans son programme génétique qui se traduisent par des attitudes instinctives d’espèces ou de races. Ainsi tous les gestes, les mouvements et les actions du corps du cavalier prennent une importance majeure, y compris les plus anodins. Une main qui se lève brusquement se voit interprétée par le cheval comme un antérieur qui fuse en avant. Car le bras de l’homme est l’antérieur du cheval. Et quand on sait que c’est l’une des caractéristiques de l’expression du leadership des étalons, on imagine aisément les conséquences que ce geste sans intention particulière peut revêtir. Selon le positionnement social du cheval dans le troupeau, cet élément de langage sera interprété soit comme un signal de soumission, soit comme une provocation. Mais la communication devient encore plus complexe lorsque le cavalier est en selle. Car celui-ci doit être conscient à tout moment du positionnement des éléments du corps du cheval, mais également de son propre corps. Et c’est là que les choses se compliquent car alors que la conscience traite une multitude d’informations en même temps, le mental ne sait en interpréter qu’une seule à la fois. De surcroit, en selle, le cavalier se voit sujet à un grand nombre d’émotions et de sensations positives et négatives, alternant une confiance euphorique avec des moments d’inquiétude voire de peur. Et le cavalier doit communiquer et gérer le cheval dans cet environnement physico-psychologique parfois chaotique. Les choses se compliquent de surcroit puisqu’à cheval, nous dialoguons par le langage du corps, de l’assiette, des mains et des jambes. Pour avoir eu une formation de pianiste au Conservatoire, longtemps je n’avais pas pris conscience de la complexité de cette réalité car l’indépendance des mains et des jambes avait été acquise par la pratique musicale. Les musiciens développent cette indépendance contrôlée des mouvements lors de la pratique instrumentale. Or pour bien des cavaliers, cet apprentissage kinesthésique est induit dans l’apprentissage de l’équitation, sans pour autant être précisé au préalable. Et cela constitue une difficulté non nommée et non identifiée d’emblée. Car toutes les figures demandées au cheval sont autant d’expressions de langage corporel. Dans la pratique, toute sollicitation engage l’association de l’action combinée d’une jambe avec une main avec le contrôle de l’assiette et avec la gestion de l’équilibre dans des allures variées et déséquilibrantes. C’est ainsi toute la difficulté de mise en pratique de l’exercice du langage de l’équitation. Et quand de surcroit on acquiert la conscience de la réalité de l’intelligence du cheval et de ses capacités cognitives, on comprend très vite que le langage des cavaliers, par son imprécision, s’apparente bien souvent plus à du « petit nègre » qu’à une expression de haute littérature. Pour accéder à la pratique d’une équitation de pleine conscience, le travail de contrôle du mental et des émotions devient ainsi un atout majeur. Cela s’avère d’autant plus vrai que le cheval vit à l’instant présent et qu’il ne conceptualise pas. Ses réactions sont ainsi le reflet voire le miroir de l’esprit du cavalier. Par le contrôle du mental, c’est toute la gestuelle de production du langage qui se voit optimisée avec à la clé la création d’un dialogue fluide entre le cheval et le cavalier, la suppression des tensions, une gestion optimisée des émotions et bien entendu une alchimie totale dont la légèreté est la conséquence. Ainsi, l’art équestre doit être considérée comme l’art des arts, car l’écuyer pour interpréter sa partition doit user d'un langage particulièrement élaboré et riche sur un instrument doté d’un esprit de vie qui dispose de sa propre conscience. Au-delà de la technique, par conséquent, le langage des corps par l’équitation développe toute les acuités sensorielles de l’équitant. Et une équitation de pleine conscience modifie indubitablement l’état de conscience du cavalier, lui permettant d’accéder à un niveau de maîtrise du corps et du mental incomparable tout en effleurant une sensualité transcendantale.



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